Eu sei que isto é só para francófonos, mas creio que a leitura na íntegra é importante.
Dans un entretien avec «Le Monde», le premier ministre socialiste portugais, associé à la gauche radicale dans son pays, explique pourquoi il veut s’allier avec le président français au niveau européen.
Marie Charrel et Jean-Baptiste Chastand
Le Monde, le 21 mai 2019
«Premier ministre socialiste du Portugal depuis 2015 grâce à une alliance inédite avec la gauche radicale, Antonio Costa est souvent présenté comme l’un des espoirs de la gauche en Europe, parce qu’il a réussi à faire sortir son pays de la cure d’austérité imposée en échange d’un plan d’aide de la zone euro. Il a toutefois récemment soutenu Emmanuel Macron.
Votre vidéo appelant à l’unité «des forces progressistes» avec Emmanuel Macron a suscité beaucoup de critiques des gauches françaises et portugaises. Aux élections européennes, soutenez-vous le président français ou Raphaël Glucksmann, la tête de liste PS-Place publique ?
Les choix de politique intérieure sont les choix des Français. Mais au niveau européen, il faut absolument bâtir une grande alliance progressiste et démocratique au moment où l’extrême droite construit son internationale. J’ai envoyé un message sur une vision européenne qu’on partage avec Emmanuel Macron; de la même façon que j’ai envoyé un message à Alexis Tsipras [le premier ministre grec de gauche]. Il faut bâtir au sein du Conseil européen un grand front pour l’avenir de l’Europe.
Y compris avec La République en Marche, que les socialistes français classent à droite?
Au niveau européen, on siège à vingt-huit. Et à vingt-huit, il faut trouver des points de vue en commun et des alliances. Sur plusieurs sujets, à commencer par la réforme de la zone euro, on partage les même idées avec le président Macron, qui a donné une impulsion supplémentaire aux efforts réformistes pour bâtir une Europe plus proche des citoyens.
Soutiendrez-vous Michel Barnier pour la présidence de la Commission européenne?
Je soutiendrai Frans Timmermans, le candidat des socialistes européens. J’espère qu’Emmanuel Macron le fera aussi.
Quand vous voyez que les socialistes français risquent de ne même pas franchir les 5 %, n’êtes-vous pas inquiet pour la gauche en France et en Europe ?
L’idée de la fragilité de la gauche en Europe est un peu dépassée. Regardez les résultats de la gauche en Espagne, en Finlande, en Suède, et ce que disent les sondages pour les prochaines élections au Danemark. La famille social-démocrate se renforce un peu partout.
Comment le Portugal résiste à la vague anti-immigration qui parcourt l’Europe?
Il y a des raisons historiques. Les Portugais ont toujours été ouverts au monde, en tant qu’explorateurs, colonisateurs et émigrés… Dix millions de Portugais vivent au Portugal et plus de cinq millions ailleurs dans le monde. Par ailleurs, notre immigration vient surtout de pays lusophones, avec une facilité d’intégration. Mais nous avons maintenant une forte immigration du Népal et du Bangladesh qui s’intègre aussi très bien. La situation économique portugaise crée un manque de main-d’œuvre.
Vous avez réussi à allier votre vision d’un Portugal qui respecte les règles budgétaires européennes, très ouvert au libre-échange, et une alliance avec les partis de gauche radicale. Comment est-ce possible?
Lors des élections il y a trois ans, la droite disait que pour rester dans l’UE et dans la zone euro, il fallait maintenir l’austérité ; le Parti communiste et le Bloc de gauche disaient que, pour tourner la page de l’austérité, il fallait sortir de l’UE ou au moins de la zone euro… Nous nous disions qu’une autre politique était possible, basée sur la hausse des revenus des familles, des meilleures conditions d’investissement pour les entreprises, le retour de la crédibilité internationale du Portugal. Tout cela en réduisant le chômage et en tournant la page de l’austérité.
Bien des gens ont douté qu’on y arriverait, mais heureusement on a profité de personnes comme Jean-Claude Juncker [le président de la Commission] et Pierre Moscovici [le commissaire aux affaires économiques et monétaires] qui ont été capables de nous écouter. Les résultats sont là : notre croissance est supérieure à la moyenne européenne, le chômage est passé de plus de 12 % à presque 6 %, notre déficit était de 0,5 % en 2018 et notre dette va diminuer de 121 % à 117 % du produit intérieur brut entre 2018 et 2019.
Comptez-vous prolonger votre alliance avec l’extrême gauche après les élections législatives d’octobre ?
Cela dépendra des résultats, mais la formule politique qu’on a trouvée a eu des résultats. Pourquoi changer?
La politique accommodante de la Banque centrale européenne a facilité le redressement de vos comptes publics. Craignez-vous une remontée des taux?
C’est justement pour cela que nous devons poursuivre la même trajectoire. La politique de Mario Draghi a commencé en 2012. Nous sommes arrivés au pouvoir en novembre 2015. La droite a gaspillé les opportunités offertes par ces mesures. Nous en avons profité, en faisant notre travail. Grâce à cela, nous sommes sortis de la procédure de déficit excessif.
Il y a deux ans, nos taux d’emprunt à dix ans dépassaient les 4 %. Aujourd’hui, ils sont moitié moins importants que ceux de l’Italie, et nous avons presque rattrapé l’Espagne. Notre politique très claire, qui a tourné la page de l’austérité tout en maintenant une politique budgétaire responsable, soutient la confiance des marchés.
La précarité reste néanmoins forte au Portugal…
Mais elle a beaucoup baissé. Depuis trois ans, 89 % des nouveaux contrats sont à durée indéterminée. Dans l’administration publique, on a titularisé les précaires. Un projet de loi au Parlement, qui fait l’objet d’un grand consensus entre les partenaires sociaux, vise à limiter la précarité des contrats pour les jeunes. J’espère qu’il sera approuvé avant la fin de la législature.
La forte présence des investisseurs chinois dans votre pays inquiète Bruxelles, qui critique votre système de «visas dorés» octroyant des permis de résidence en échange d’investissements. Comptez-vous arrêter ce programme?
En termes de montants, on est seulement le douzième pays européen à recevoir les investissements chinois, loin derrière le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France. Ceux qui posent cette question sont ceux qui aimeraient attirer chez eux les investissements allant au Portugal. Pendant la troïka [quand le Portugal était soumis au plan d’aide du Fonds monétaire international, de la Commission européenne et de la Banque centrale européenne, de 2011 à 2014], les privatisations se sont faites en suivant les règles du marché. Comme Vinci a racheté nos aéroports, des investisseurs chinois ont pris des positions dans des entreprises portugaises.
Y compris dans vos infrastructures stratégiques, tel que le réseau électrique.
Oui, mais cette entreprise [REN] reste portugaise, avec une administration portugaise, dans le respect de notre cadre législatif. Le groupe est coté en Bourse : ceux désirant y investir sont libres de le faire.
Un investisseur chinois ou français, c’est donc la même chose?
Pour moi, oui, tant qu’ils respectent les lois et la souveraineté de l’Etat portugais. Nous sommes une économie ouverte et sommes fiers de notre attractivité auprès des investisseurs étrangers, dont beaucoup de Français comme BNP Paribas, Natixis, Renault.
Ce qui est drôle, c’est que le cas le plus discuté est celui de Huawei, qui a signé un accord avec une compagnie de télécoms portugaise détenu à 100 % par Altice pour développer la 5G. Je n’ai aucun moyen d’empêcher Altice, qui est une compagnie française, d’acheter une technologie à Huawei. Je ne sais pas si l’Etat français le peut.
Etes-vous favorable au filtrage des investissements étrangers instauré par Bruxelles, pour protéger nos entreprises et start-up stratégiques?
Il ne faudrait pas que la sécurité soit un prétexte pour instaurer le protectionnisme commercial. L’objectif de créer des grands champions européens ne doit pas étouffer la concurrence, au préjudice de l’innovation. La priorité de l’Europe doit être de conclure les grands marchés de l’énergie et du numérique, afin de permettre le développement d’un écosystème de PME innovantes. L’Europe s’est bâtie sur la liberté d’entreprendre. Si elle se replie sur elle-même en fermant ses frontières aux réfugiés, aux investisseurs, à la circulation des idées, elle sera perdante.»
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